Salon du livre jeunesse 2017
Savoir Voler
Pour qui observe les oiseaux, le moment le plus laborieux, celui qui réclame autant d’énergie que de technique, c’est le décollage. Regardez les albatros, toujours à deux doigts d’échouer dans ce redoutable exercice. Idem pour les aéroplanes qui arrachent à la pesanteur leur corps lourd de machine. Le rossignol est plus habile, le cerf-volant également. C’est qu’ils ont la grâce de la
légèreté. Une fois en l’air, cependant, ayant vaincu la pesanteur, chacun se débrouille fort bien, usant des courants d’air chauds et froids, des vents. Restera l’épisode de l’atterrissage, qui n’est pas sans risque, on le sait. Mais l’instant crucial, le point de rencontre entre l’initiation et la liberté de voler, c’est le décollage. Extrapolons un peu et nommons-le l’envol, si vous le permettez.
L’envol. Un mot à deux ailes, de forme très volatile. Un mot qui nomme deux éléments apparemment contradictoires, la terre et le ciel. Extrapolons encore un chouïa et appelons la terre « livre » et le ciel « imaginaire ». Ou, si vous préférez, « narration » et « lecture ». Nous sommes, vous le voyez, à la croisée des mots, qui est aussi la croisée de nos chemins, dans cet espace qui nous occupe, à la fois terrestre et aérien : la littérature jeunesse. Nous y voilà. D’une extrapolation l’autre, nous sommes parvenus à rendre sécants un mot du champ céleste — envol, avec deux mots du champ terrien — littérature jeunesse. Effet de rhétorique, me direz-vous. Soit. Mais n’est-ce pas ce qui fait la force de la littérature (générale ou jeunesse, d’ailleurs), qu’elle permette cette dynamique entre l’anecdotique et l’universel, entre le cheminement et l’élévation ? Les mots et les images ne sont-ils pas, parmi d’autres, les ferments d’une maturation à venir, d’un envol, donc ? Ambitieux projet dont, à l’évidence, ne sont pas porteurs tous les livres. Mais certains, oui, et ils sont plus nombreux qu’on ne pense. Il faut les traquer, chers amis. Ces livres sont parmi les petits cailloux blancs du déchiffrement, de la découverte, du plaisir, de l’accès au réel. Sans doute en trouverez-vous à Montauban, aux Jolis mots de mai, en piles, en ordre ou en désordre, sur des tables, par terre, partout où les enfants et les adultes voudront bien aller les chercher. Car pour s’envoler, il faut prendre un peu d’élan.
Gérard Moncomble
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