« Anaïs Massini aime raconter que si elle était un objet, elle serait une boule à facettes ou un couteau suisse. Toujours prompte à trouver des solutions, techniques ou diplomatiques, sa curiosité insatiable l’amène régulièrement dans de nouvelles expérimentations. Ainsi elle a récemment appris à des danseurs à interpréter ses dessins, construit une cabine croquismaton, peint des centaines d’oiseaux, participé à la création d’un collectif d’artistes-artisans et lieu de partage social. Elle enseigne aussi les arts appliqués, et précisément une matière qui s’appelle culture design et architecture. Les illustrations d’Anaïs Massini sont marquées par une recherche de liberté gestuelle et imprégnées de ses longues observations dans la campagne aveyronnaise où elle vit depuis 18 ans. »
Aux Oiseaux : Je ne saurai situer exactement où commence mon intérêt pour le monde des oiseaux, j’ai toujours recueilli des oiseaux en détresse parfois avec succès, parfois impuissante à les sauver. Mais l’émotion vive ressentie lorsque notre maître d’école relâcha le faucon blessé que nous avions soigné plusieurs semaines en classe reste en moi encore très puissante ; mon premier album de littérature jeunesse, conçu pendant mes études portait sur la détresse d’un personnage (humain) qui se sentit enfin exister lorsqu’il pu crier avec les mouettes (Hurlovent, 2002) ; et la chanson de Dominique A., Le courage des oiseaux, me touche infiniment.
Mais ce qui m’a amenée il y a 10 ans à étudier des oiseaux par la peinture est une fascination pour la texture de leur plumage, cet enrobage doublement duveteux et rigoureux autour de cette chair si légère et fragile, et toutes les subtilités et mécaniques si précises qui permettent de ranger ou déployer des plumes selon les besoins et qui donnent aux oiseaux ces costumes qui forment leur identité. J’ai travaillé d’après photo pour m’imprégner de détails, de directions de lignes, et de couleurs, car l’oiseau est impossible à étudier avec précision d’après nature, il est constamment dans le mouvement et le déplacement, tout en menant une existence visible et sonore, particulièrement présente aux humains. Il me semble que les oiseaux et leur infinies variétés de caractère d’espèce pourraient venir en miroir de cette question intime et universelle qu’est la construction de notre identité et notre présence sur Terre.
Au printemps 2020, les chants et la frénésie des oiseaux habituellement invisibles car en sourdine de l’activité humaine ont conquis une place inédite au creux de nos oreilles, tant de citadins que ruraux. D’autres manifestations de la présence sauvage animale ont aussi littéralement fasciné et bouleversé nombreux d’entre nous, ce que nous avions cru disparu ou si loin, s’avérait finalement si proche, et merveilleusement vivant ; ces sensations provoquées par l’apparition animale, mêlant vertige et admiration, Georges Bataille en avait déjà proposé une interprétation spirituelle qui résonne tout à propos :
« l’animal ouvre devant moi une profondeur qui m’attire et qui m’est familière. Cette profondeur je la connais, c’est la mienne »
Mon rapport à la couleur est très imprégné par ma vie dans la campagne et la nature, je questionne depuis longtemps la représentation graphique de ce que j’observe par les couleurs, leur cohabitation et leurs vibrations. Ma vue troublée par l’astigmatie m’a rendue particulièrement sensible aux nuances et aux ambiances, aux contours qui n’existent pas, aux formes qui ne se nomment pas. J’ai ainsi développé mon propre processus de traduction, de retranscription des mélanges des couleurs. Je suis fascinée par la technique et la science des couleurs, comme par la recherche du bon ratio outil-support-médium.
Cycle 1
Chat, montre-toi ! (texte Anne Cortey) Ed. Thierry Magnier, 2023
Magda la souris minuscule (texte Karen Hottois) Ed. Didier Jeunesse, 2021
Chapacha Ed. Thierry Magnier, 2018
Le souffle de l’été (texte Anne Cortey) Ed. Grasset jeunesse, 2017
Sélection Prix « Manuel Azaña » 2024 :
Aux Oiseaux, Ed. Grasset jeunesse, 2023