Le but est ici de dépasser ce que le texte – ou l’image – « dit » pour voir « comment » il – ou elle – le dit.
Cela sans attendre le collège ou le lycée. Nous sommes convaincus qu’il n’y a pas d’age pour le plaisir du texte (et non seulement de l’histoire). La réflexion sur la langue peut, nous semble-t-il, commencer très tôt dès les premiers apprentissages, à la condition de passer par le faire et le jeu, avec les outils propres à l’age considéré. A tous les niveaux il est possible d’étudier comment La Fontaine nous fait comprendre, bien avant le dénouement, que le corbeau va être joué…
L’étude permet :
– de mettre les lecteurs d’accord sur le sens, chacun lisant à partir de son expérience les interprétations divergent parfois ;
– d’aller plus loin que l’apparence (un texte peut paraître mal écrit, un dessin maladroit), de dépasser la limpidité première, en bref : de réfléchir, se poser des questions, percevoir que dans la littérature, comme dans l’illustration, il n’y a pas que des idées.
L’étude est motivée par le besoin et le plaisir, d’agir, d’imaginer, de créer, à partir d’une émotion, d’une interrogation provoquées par la lecture. Ce besoin d’agir donne ainsi l’occasion d’acquérir des compétences dans la maîtrise du langage oral, écrit et permet d’acquérir une culture.
Plusieurs types d’activités à conduire :
Au niveau du texte
a) En ateliers de lecture souvent pour une première page, pour des passages clés, la préparation d’une lecture à haute voix, un point de compréhension à élucider génèrent, au-delà des questions – qui s’exprime ? Où ? Quand ? Pourquoi ? A quel moment du récit ?
– des relectures sous formes diverses :
– des lectures presque mathématiques crayon en main,
– des jeux (puzzles, textes lacunaires) proposés par l’enseignant, ou à réaliser pour d’autres, avec repérages, selon les cas :
. de notions (champs lexicaux, marqueurs d’espaces, de temps, substituts du nom…) qui assurent la progression tout en créant, dès une première page, l’atmosphère du roman… et donneront envie d’aller plus loin.
. De différentes séquences textuelles (narration/description/dialogues…)
. Des situations de discours ou de récit, de l’utilisation des temps verbaux et des modes… avec, bien sûr, les remarques qui s’imposent quant aux effets produits… Le tout, quelle que soit l’organisation de la recherche, mis au point collectivement.
b) En ateliers d’écriture
Ce « bricolage » sur les textes est renforcé, ou motivé, par les réécritures qui, de manière ludique, font entrer, implicitement, dans le fonctionnement du texte.
– Inventer début, fin d’un passage, ou de l’histoire, écrire dans les « blancs » (rajouter un dialogue, un monologue intérieur, un événement…) raconter un événement du point de vue de différents protagonistes, en changeant de narrateur, passer du discours au récit (ou faire l’inverse), réécrire à la manière de… changer de genre, faire pratiquer l’expansion, la réduction d’un passage… remplacer une image par une description…
Voir, en cas de besoin, comment l’écrivain s’est sorti de tel ou tel problème d’écriture (idem pour le dessin ou la peinture).
Au niveau de l’illustration
a) Les ateliers de relectures dépasseront le stade de la simple dénotation (« je vois / je comprends ») – ne serait-ce que pour justifier les hypothèses, l’interprétation de chacun : « Qu’est-ce qui me permet de comprendre que… » Sollicitation de l’imagination, comme en lecture de texte, ce qui n’est pas montré mais que l’on se représente à partir de sa connaissance du monde. Ces travaux en ateliers font appel à des techniques – tableaux, schémas, utilisation du calque, de fenêtres, report de traits et de lignes… qui concernent :
– La place faite à l’image dans le livre, dans la page,
. l’espace qui lui est accordé (page entière, double page, occupe-t-elle toute la page, est-elle limitée dans un cadre…)
. sa disposition dans la page (est-elle répétitive, page de gauche ou de droite, en haut de, sous le texte…)
. sa relation spatiale au texte (séparée, intégrant du texte, avec quels effets graphiques…)
– L’observation de techniques en rapport avec la photographie :
. Le point de vue où est placé le lecteur (en plongée, contre-plongée, horizontal.
Comment est « vu » un personnage : de face, de dos, de trois-quart, mobile / immobile…).
. Le cadrage, le fragment d’espace découpé par le cadre, le champ (ce qui est vu) et ce qui est suggéré / deviné par le hors champ : à partir d’objets fractionnés, des lignes de fuite, de la direction des regards, du mouvement des personnages, portes ouvertes,
fenêtres, miroirs, ombres…
. La profondeur du champ (1er, 2ème plan…)
. L’échelle de l’image, du gros / très gros plan au plan d’ensemble…
– Des techniques relevant plus particulièrement des arts plastiques :
. Le dessin, la forme et le graphisme, l’utilisation de la ligne et du trait (pour cerner une forme, ou pour eux-mêmes – épaisseur du trait, direction des lignes…)
. L’utilisation de la couleur, avec ses effets de réel et ses différentes valeurs symboliques (contrastes, couleurs chaudes / froides, complémentaires, lumineuses / ternes, effets de clair / obscur, la quantité…).
. Les matériaux (craie, gouache, encres…) les techniques afférentes (aplats, lavis…) et les supports utilisés.
– Le rapport de l’image et du texte :
. Est-ce qu’ils se répètent ?
. Est-ce que l’un complète, ou ajoute à l’autre ?
. Est-ce qu’ils ne disent pas la même chose ? C’est un cas très intéressant, plus rare que les deux premiers, mais évidemment très significatif et riche d’enseignement (chez Gérard Moncomble, par exemple, dans le Grand Safari ou la série Raoul Taffin, l’écart image texte est, en soi, une métaphore filée).
b) Des ateliers de « fabrication » motiveront, comme pour le texte, ces études et l’acquisition de notions et de savoir-faire. Quelques suggestions :
– A partir de grandes lignes de composition prises avec un calque, ou d’après une projection diapo, reportées sur un support dont le format, la nature est laissée au choix des enfants et remplissage des espaces avec la technique de son choix (peinture / craie, collages, aplats / reliefs…
– A partir de fragments collés sur feuille blanche, prolongation des lignes, des espaces colorés, toujours avec les outils et couleurs qui paraissent le plus appropriés…
– Placer un personnage dans un autre environnement.
– Changer les couleurs.
– Créer à la manière de… réutiliser les techniques remarquées (collages, couleurs chaudes / froides, gravure, réutilisation du trait fréquent chez un auteur (exemple : encres au pinceau chez Zaü, notamment le trait noir), utilisation des pastels gras (Didier Jean et Zad, Zaü, Alex Godard), de la gravure (May Angeli), de pratiquement toutes les techniques chez Thierry Dedieu, Régis Lejonc…